DPE collectif, DTG et PPT : que faire quand rien n’est collectif ?
Dans les
petites copropriétés, établir un DPE collectif conforme à la réglementation
actuelle est devenu un casse-tête méthodologique. Le sujet suscite beaucoup
d’interrogations sur le terrain, en particulier lors de la réalisation d’un DTG
ou d’un Plan Pluriannuel de Travaux. Depuis 2021, les exigences réglementaires
ont évolué, la pression sur la rénovation énergétique s’est intensifiée, mais
la réalité technique des immeubles reste souvent incompatible avec les textes.
Et cette incompatibilité est rarement comprise. À tort.
En Normandie
comme partout en France, la même situation revient en boucle : une copropriété
de moins de 50 lots, sans système de chauffage collectif, sans production d’eau
chaude sanitaire mutualisée, sans ventilation centralisée, demande un DTG pour
anticiper les obligations à venir. Parfois, la commande est faite dans le cadre
d’un projet de vente, parfois à l’occasion d’une mise en copropriété. Très
souvent, le syndic ou le conseil syndical demande s’il est possible d’intégrer
un DPE collectif. La réponse technique est simple. Mais elle ne fait jamais
plaisir : non.
La
réglementation prévoit l’obligation d’un DPE collectif pour toutes les
copropriétés de plus de 200 lots depuis janvier 2024, pour celles entre 50 et
200 lots à partir de janvier 2025, et enfin pour les copropriétés de moins de
50 lots à compter du 1er janvier 2026. Mais ce n’est pas parce que l’échéance
est future que le sujet est simple. Pour réaliser un DPE collectif, la méthode
réglementaire 3CL-DPE 2021 impose la présence de systèmes collectifs. Sans
chauffage collectif, sans production ECS commune, sans ventilation partagée, le
bâtiment n’a aucune homogénéité thermique. Il n’est pas modélisable. Il ne peut
pas, par nature, recevoir un DPE collectif conforme. Ce n’est pas une question
de volonté. C’est une question de faisabilité.
Dans ce
contexte, les maîtres d’ouvrage, souvent mal informés, pensent que l’on peut
malgré tout réaliser un DPE à l’échelle de l’immeuble. C’est vrai. Mais
attention : ce DPE n’est pas un DPE collectif. Il n’a aucune valeur
réglementaire. Il n’engage que son rédacteur. Et il repose sur une condition
souvent irréalisable dans la pratique : la visite complète de tous les
logements. Car dans un immeuble où chaque appartement est chauffé différemment,
avec des équipements installés au fil des ans, il est impossible de modéliser
sans accéder à l’ensemble des unités. Dès qu’un logement est inaccessible,
l’analyse devient partielle, donc contestable. Et surtout, cette démarche est
longue, intrusive, coûteuse. Elle n’a rien à voir avec un DPE collectif
standard réalisé sur un bâtiment équipé d’une chaufferie ou d’un réseau commun.
C’est là que
la confusion devient dangereuse. Car sans DPE collectif, il est difficile de
générer une base chiffrée fiable pour estimer les travaux d’amélioration
énergétique dans le cadre du PPT. Mais tenter de forcer une modélisation
artificielle à l’échelle de l’immeuble est encore plus problématique. Un DPE
non représentatif produit de mauvaises recommandations. Et des scénarios de
travaux faux sont souvent pires que l’absence de scénario.
En Normandie
comme ailleurs, un nombre croissant de petites copropriétés font appel à des
professionnels pour anticiper leurs obligations. Le DTG devient alors un outil
central. Et dans ce cadre, il faut adapter la méthode à la configuration réelle
de l’immeuble. Lorsque les équipements sont individualisés, il est parfois plus
pertinent d’intégrer des DPE individuels existants, s’ils sont récents, ou
d’adopter une approche qualitative fondée sur des typologies de logements
représentatives.
Ce que nous
avons constaté, dans notre pratique du DTG en Normandie comme dans d’autres
régions, c’est qu’il vaut mieux assumer l’absence de DPE collectif quand
celui-ci est techniquement inapplicable, et le justifier clairement dans le
rapport. La méthodologie, la rigueur, l’honnêteté technique sont les seules
protections du diagnostiqueur, du syndic et des copropriétaires. Un DTG bien
rédigé, avec une annexe explicative sur l’inapplicabilité du DPE collectif,
vaut mieux qu’un document bancal, approximatif, et juridiquement fragile.
En résumé, le
DPE à l’immeuble est une solution envisageable lorsque l’on souhaite malgré
tout objectiver l’état énergétique d’un bâtiment sans équipements collectifs.
Mais ce DPE doit être identifié pour ce qu’il est : une démarche volontaire,
non réglementaire, très lourde sur le plan opérationnel. Elle suppose la visite
de tous les logements, un relevé détaillé de chaque système, une modélisation
fine, et une transparence absolue sur les limites de validité des résultats. Ce
travail, complexe et coûteux, n’est pas toujours pertinent. Il faut en peser
l’intérêt, au cas par cas.
Faire un bon
DTG en 2025, c’est d’abord comprendre que la réalité technique l’emporte sur la
règle théorique. Et que le rôle du professionnel, c’est aussi d’expliquer
pourquoi certains diagnostics ne peuvent pas se faire. Ou ne doivent pas se
faire. C’est aussi ça, la rigueur du métier.